Nous voulons partager avec vous le contenu de notre première Université ouverte de l’écologie politique qui a traité le thème de la santé environnementale.
Les intervenants ont été : Jean-Luc VERET, Médecin de Santé Publique et Valérie DOMENEGHETTY de WECF. Cette session était animée par Sophie PERROUD, co-responsable de la commission santé d’EELV .
Environnement et modes de vie nécessitent une nouvelle politique de santé
La situation sanitaire est en crise. Curieusement, les citoyens semblent plus conscients de cette crise et de ses causes que les politiques. Les sondages montrent que la santé est une des toutes premières préoccupations des citoyens et beaucoup se disent que face à la montée des maladies modernes, il faut enfin s’orienter vers la prévention. Il s’agit de savoir comment mettre en place une nouvelle politique de santé orientée vers la prévention.
La crise sanitaire
L’explosion de l’épidémie de maladies chroniques est un phénomène majeur dans notre pays comme dans les pays dits « développés » : cancers, qui sont devenus la première cause de mortalité, maladies cardio-vasculaires, diabète et obésité, qui ont progressé à grande vitesse, maladies dégénératives du système nerveux, souffrance psychique, en particulier au travail, suicide – la mortalité par suicide est devenue 2 à 3 fois plus fréquente que celle par accidents de la route -, allergies, troubles du développement sexuel et de la procréation, etc…
Il est banal de constater que les maladies modernes sont des maladies de civilisation, c’est-à-dire liées à l’organisation de la société. De fait, les causes de souffrance et de mortalité ne sont pas identiques dans toutes les sociétés. Les maladies n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui dans le passé, et, à la même époque, ne sont pas les mêmes selon les pays, leur organisation sociale et leur niveau de vie.
De plus, on assiste chez nous à une montée des inégalités et à un développement de la pauvreté qui entraînent à la fois problèmes de santé et difficulté à se soigner. Un tiers de nos concitoyens déclare avoir renoncé à des soins pour des raisons financières.
Qu’on ne s’y trompe pas, la crise est structurelle, c’est-à-dire que la situation n’a pas tendance à s’améliorer spontanément, malgré le budget conséquent consacré aux soins. Trois constats le mettent en évidence :
- tout d’abord, le développement des maladies chroniques est plus rapide que les progrès de la médecine qui essaie de les enrayer. C’est en particulier le cas pour les cancers, pour la souffrance psychique, pour le diabète et l’obésité, etc… Même s’il y a quelques progrès dans les soins des cancers, le nombre de cancers augmente.
- Ensuite, l’accès aux soins recule, d’une part du fait de l’augmentation de la pauvreté, aggravée par le développement du « reste à charge » des usagers – franchises, forfaits, dépassements d’honoraires – et associée à l’absence de mutuelle complémentaire, mais d’autre part parce qu’on a laissé s’installer des déserts médicaux, et que ces déserts médicaux vont s’aggraver dans les années qui viennent si l’on ne prend pas de mesures audacieuses pour rendre l’entrée dans le système de santé, la consultation de médecine générale, accessibles à tous.
- Enfin, le choix opéré par les différents gouvernements depuis quelques décennies est d’assurer les dépenses de fonctionnement par des emprunts qui s’alourdissent tous les ans. Une caisse spécifique, la CADES, gère cet endettement et, pour ne pas trop augmenter l’impôt spécifique, le RDS, on augmente la durée de remboursement. Pour la seule année 2011, on a augmenté de 4 ans la durée de remboursement, passant de 2021 à 2025. Puisqu’il s’agit de nos dépenses de fonctionnement, c’est un cadeau empoisonné que nous laissons pour les générations futures et il n’est pas responsable de continuer dans cette voie. En effet, cette voie nous semble intrinsèquement contraire à l’objectif proclamé de développement durable, qui implique par définition de permettre aux générations suivantes de bénéficier des mêmes avantages que nos générations.
Qu’on ne s’y trompe pas non plus, la crise est bien sanitaire. Ceux qui veulent cantonner la réflexion et l’action aux questions budgétaires prennent le problème à l’envers. En effet, l’augmentation du budget annuel des soins aux maladies chroniques depuis une quinzaine d’années est à peu près équivalente au déficit de l’Assurance Maladie, soit une dizaine de milliards d’euros. Autrement dit, si nous avions le même taux de maladies chroniques qu’il y a 15 ans, toutes choses égales par ailleurs, il n’y aurait pas de déficit de l’Assurance Maladie ! La conclusion est que la crise financière est une conséquence de la crise sanitaire, et non l’inverse.
Ce qui est particulièrement frappant, c’est que les facteurs connus des maladies modernes sont essentiellement des facteurs de modes de vie, à commencer par l’alimentation, ou la qualité des relations, et des facteurs d’environnement dont les pollutions de l’air, de l’eau et des aliments par de nombreuses substances toxiques. Ceci signifie que ces maladies seraient, au moins en partie, accessibles à la prévention, et qu’une réorientation vers la prévention pourrait avoir des conséquences positives en termes de qualité de vie, mais aussi de budget. le seul diabète représente par exemple une dépense de soins de 12,5 milliards d’€ par an. Le faire baisser de 10 %, ce qui représente une ambition modeste, dégagerait 1,2 milliards d’€ par an pour cette seule maladie. La consommation de médicaments est en moyenne par habitant environ double de celle des hollandais, qui ne passent pas particulièrement pour être mal soignés. Elle coûte environ 40 milliards par an dont 20 milliards à la Sécurité Sociale. Une baisse de 10% dégagerait 4 milliards, dont 2 pour la Sécurité Sociale ; etc… Il y a donc des marges de manœuvre budgétaires importantes si l’on fait appel à la prévention.
L’idéologie dominante a tenté depuis des années de cacher cette réalité. Les discours triomphalistes sur l’augmentation de l’espérance de vie occultent toute analyse depuis des années, mais ne pourront bientôt plus faire illusion. L’augmentation de l’espérance de vie à la naissance est d’abord dûe à la baisse de la mortalité infantile. Et l’espérance de vie à 60 ans, plus représentative du vieillissement est réelle, certes, mais dans des proportions beaucoup plus limitées qu’à la naissance. En réalité, une part importante de l’augmentation du nombre de personnes âgées à laquelle on assiste actuellement est due à un accident démographique lié à la guerre de 1940, car les générations arrivées à la retraite dans le passé récent étaient moins nombreuses, précisément du fait des morts à la guerre, tandis qu’arrivent à la vieillesse aujourd’hui les générations du « baby boom » de l’après guerre, qui a duré de 1945 à 1975. Par ailleurs, il faut se méfier des prospectives sur l’augmentation de la durée de vie car les grands vieillards d’aujourd’hui ont vécu leur jeunesse avant la guerre de 40, c’est-à-dire avant les « trente glorieuses » qui ont vu fleurir les facteurs des maladies de civilisation. Les vieillards de demain auront vécu leur jeunesse avec la suralimentation qui sévit depuis les années 60, avec les pollutions, qui connaissent une expansion sans précédent, avec le stress de la vie moderne et les pertes de solidarité qui se développent aujourd’hui. Il faut d’ailleurs constater que l’espérance de vie à la naissance baisse d’ores et déjà dans de nombreux pays, dont la Russie et les Etats Unis. On peut penser qu’il va en être de même chez nous dans un avenir proche, si rien ne change. Et dès maintenant, la durée de vie sans incapacité n’augmente plus, mais diminue en France depuis 2006.
Il découle de ces constats que seule une réorientation sérieuse de la politique de santé vers la prévention, à laquelle il faut ajouter l’amélioration de l’accès aux soins, est susceptible d’inverser la tendance. Le raisonnement de simple bon sens implique qu’on peut attendre, quand on a identifié un certain nombre de causes ou de facteurs favorisants, qu’en diminuant ces causes et ces facteurs, on diminue leurs conséquences. C’est pourquoi il est effectivement urgent d’investir dans la prévention primaire, c’est-à-dire la prévention qui supprime les causes ou les facteurs de risque des maladies et des souffrances.
La prévention primaire est à distinguer du dépistage, dénommé aussi prévention secondaire, qui consiste à repérer précocement les signes de maladie par des examens médicaux. Le dépistage s’apparente davantage aux soins médicaux et participe à la qualité des soins quand il est pertinent, mais il est à distinguer de la prévention primaire qui, elle, cherche à éviter l’apparition des maladies et des souffrances, et qui reste réellement le parent pauvre de notre système de santé.
En termes de prévention primaire, quand les facteurs identifiés touchent les modes de vie, l’intervention élective est l’éducation pour la santé. Quand il s’agit des pollutions, il faut mettre en place un dispositif de santé environnementale. Telles sont les 2 branches majeures d’une politique de prévention.
Quand il s’agit de l’accès aux soins, il est nécessaire d’assurer la couverture du territoire par la médecine générale et les soins de premier recours, sans oublier l’accès à la prévention. Il est de plus indispensable de repérer et limiter un certain nombre de freins à l’évolution que représente l’intervention de différents lobbys, depuis l’industrie pharmaceutique jusqu’à l’agroalimentaire.
Une politique d’éducation pour la santé et de promotion de la santé
L’éducation pour la santé est à entendre ici comme une intervention favorisant le développement personnel et le développement social. Elle se différencie de l’enseignement car les intervenants n’ont pas à décider seuls des objectifs, à la place de la population. Il s’agit de favoriser la prise en charge de sa santé par la population elle-même, de mettre en place et d’animer une dynamique sociale, en un mot une éducation émancipatrice. Ainsi conçue, l’éducation pour la santé consiste à accompagner une population pour construire avec elle des projets pour sa santé. Elle repose sur une méthodologie de projets participatifs. Elle s’inscrit dans l’esprit de la charte internationale de promotion de la santé de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dite charte d’Ottawa de 1986. Elle préconise un processus qui donne à la population « un plus grand contrôle sur sa propre santé ».
De façon opérationnelle, il y a besoin d’un pôle référent qui devrait s’établir au niveau régional et jouer le rôle de référent concernant les méthodes d’action. Ce pôle aura un rôle particulier en matière de formation des intervenants et de conseil méthodologique à l’action ainsi que de conseil aux décideurs. Existent actuellement les Instances Régionales d’Education et de Promotion de la Santé (IREPS), réunies nationalement dans la Fédération Nationale de l’Education pour la Santé (FNES) et partenaires de l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé (INPES), lui-même chargé nationalement des missions de communication et de pôle de référence. Les IREPS, structures dédiées spécifiquement à l’éducation pour la santé, sont à développer significativement. Mais 2 autres structures sont également très impliquées dans l’éducation pour la santé et la prévention primaire : d’une part, la Protection Maternelle et Infantile (PMI), rattachée aux Conseils Généraux et, d’autre part, la Santé Scolaire, dénommée maintenant Service de Promotion de la Santé en Faveur des Elèves, rattachée au Ministère de l’Education Nationale. Dans notre projet, ces 2 types de structures sont à rapprocher des IREPS pour développer un pôle régional d’éducation pour la santé et de promotion de la santé d’une certaine ampleur, capable de répondre aux besoins et de mener des programmes à l’échelle régionale, et de desservir l’ensemble de la population. Les différentes structures impliquées dans l’éducation pour la santé se rattacheront ou conventionneront avec ce pôle.
Ce pôle aura pour rôle d’animer un réseau d’intervenants-relais, c’est-à-dire d’intervenants présents sur le terrain directement auprès de la population, et qui assument des fonctions d’éducation pour la santé en plus de leur rôle professionnel spécifique. Sont concernés les professionnels de santé : médecins, infirmières, etc…, les professionnels de l’éducation, à commencer par les enseignants et les infirmières et médecins scolaires, et ceux du social, dont les assistantes sociales, les animateurs de centres sociaux, les éducateurs, etc… S’ajoutent les bénévoles d’associations et les élus locaux qui souhaitent s’investir dans ce domaine. Il s’agit de s’appuyer sur une frange de ces personnels, constituée de ceux qui sont prêts à s’impliquer sérieusement dans l’éducation pour la santé en se formant aux méthodes spécifiques qu’elle demande dans l’éthique participative énoncée plus haut. On peut alors envisager de faire bouger les représentations et les comportements individuels et collectifs, dans une dynamique d’action communautaire. On peut imaginer, sur la base des expériences existantes, améliorer la qualité de vie et promouvoir les facteurs de mode de vie favorables à la santé, sans confondre l’éducation avec la répression, le moralisme ou la culpabilisation. La première priorité nationale doit être de développer des habitudes alimentaires équilibrées pour toute la population tout en développant l’activité physique. En outre l’éducation pour la santé peut contribuer au bon usage du système de santé et, par là, à la diminution de la surconsommation de médicaments. Elle peut aussi utilement apporter son expérience méthodologique pour améliorer l’efficience de l’éducation thérapeutique.
Trois réformes permettraient une avancée significative :
- L’officialisation d’un pôle régional d’Education pour la Santé, avec de nouveaux moyens pour le structurer à hauteur des besoins d’une population, en particulier en créant des postes dans les IREPS et en Santé Scolaire.
- Le rattachement de la Santé Scolaire à ce pôle et au Ministère de la Santé pour lui redonner du sens et du « punch ».
- Le rattachement de la Direction Générale de l’Alimentation (DGAL) au Ministère de la Santé au lieu de l’Agriculture, pour clarifier ses objectifs au service de la santé de la population.
- Lancer nationalement quelques grands programmes à décliner localement par les méthodes de santé communautaire, en commençant par l’équilibre alimentaire et l’activité physique ainsi que la qualité des relations entre parents et enfants, hommes et femmes, ou au travail….
Une politique de Santé Environnementale et au Travail
Créer une réelle politique de santé environnementale chargée de développer la recherche sur les pollutions, mais aussi l’observation de la situation sur le terrain et l’intervention pour limiter autant qu’il est possible, au niveau des citoyens, les pollutions chimiques de l’air, de l’eau et des aliments, ainsi que les pollutions physiques telles que les rayonnements dangereux. Citons, parmi les problèmes les plus courants, les particules produites par les moteurs diesel, qui sont maintenant officiellement déclarées cancérigènes par l’Organisation Mondiale de la Santé. Il s’agit aussi des perturbateurs endocriniens, que sont en particuliers les pesticides, aujourd’hui très largement répandus. Les conséquences populations imprégnées sont plus graves qu’on ne le croit souvent : augmentation du taux de cancers, baisse de la qualité du sperme et de la fécondité, troubles du développement sexuel et puberté précoce chez les petites filles, mais aussi augmentation du diabète et de l’obésité. C’est pourquoi le premier objectif à proposer est qu’aucun parent de jeune enfant ne soit contaminé par des perturbateurs endocriniens. Et il faut reconnaître que cet objectif implique des révisions profondes dans la politique agricole, par exemple.
Dans le domaine de la Santé Environnementale, presque tout reste à faire, mais il est possible de développer un pôle régional de Santé Environnementale et s’appuyant et en élargissant le rôle des Observatoire Régionaux de Santé (ORS) à la santé environnementale et en créant des synergies avec la médecine du travail. Les différentes structures impliquées dans la santé environnementale se rattacheront ou conventionneront avec ce pôle.
Les principales mesures à prendre sont :
– La création d’un Institut National de Santé Environnementale chargé de recherche de représentation et de coordination en lien avec la Fédération Nationale des ORS.
– L’officialisation d’un Pôle Régional de Santé Environnementale autour de l’Observatoire de la Santé aux missions redéfinies et partenaire de la Médecine du Travail.
– La création de postes en santé environnementale pour faire des diagnostics de terrain, et en tirer des préconisations ainsi que pour apporter des conseils aux décideurs.
La création de Maisons de Santé et de l’Autonomie comprenant un service d’Éducation pour la Santé et de Santé Environnementale
L’accès aux soins, pour être rationnel et répondre aux besoins de la population, repose sur les soins de premier recours, et en particulier sur la consultation du médecin généraliste et le suivi du dossier médical par le médecin généraliste choisi par le patient. De plus, les études de santé publique montrent qu’en matière de soins médicaux, le plus efficace pour la santé d’une population est d’assurer les soins les plus simples mais accessibles à tous. Il est donc essentiel de ne pas laisser s’instaurer les déserts médicaux et d’assurer la couverture du territoire par les soins de premier recours. Pour rendre les conditions de travail des soignants humaines et faciliter le travail d’équipe, la solution est de créer des Maisons de Santé et de l’Autonomie, à raison d’une pour environ 10 000 habitants, en commençant par équiper les territoires déficitaires. Il est alors possible d’avoir une véritable équipe médicale ainsi que de regrouper les autres professions de santé et du social pour encourager un travail pluridisciplinaire au service de la population facilitant la santé et l’autonomie à tous les âges de la vie. C’est également l’occasion de développer les liens entre soins médicaux et prévention en créant dans chaque Maison de Santé et de l’Autonomie un service d’Éducation pour la Santé et de Santé Environnementale, avec la création d’un poste spécifique.
Une nouvelle résistance aux lobbys
Le système de santé français a perdu une part de sa crédibilité du fait de scandales à répétition, depuis le sang contaminé jusqu’au Médiator, en passant par l’amiante, les prothèses PIP, les morts de la canicule, etc… Cette réalité a été rendue possible par la confusion d’intérêts entre les institutions chargées de définir les politiques publiques dans l’intérêt des citoyens et les industries qui poursuivent des objectifs de vente des produits qu’elles fabriquent, et qui ont réussi à infiltrer largement les commissions et les ministères… Par ailleurs, les comportements de consommation sont trop influencés par la pression des lobbys quand il s’agit par exemple du sucre, du sel, de l’alcool et du tabac. S’ajoutent encore les lobbys de la chimie qui produisent pesticides et engrais et le lobby de l’agroalimentaire qui invente des besoins pour augmenter la consommation de produits trop gras, trop sucrés, trop salés, dans des emballages dont la destruction est polluante…
Les principales mesures à prendre dans le domaine de la santé sont :
- Systématiser les déclarations d’intérêt des experts mandatés dans les commissions officielles, des responsables politiques et des membres des cabinets ministériels et rendre toutes les déclarations d’intérêt accessibles au public.
- Supprimer le système des visiteurs médicaux envoyés auprès des médecins par les industries du médicament et les remplacer par un service public d’information et de recherche médicale. Supprimer le financement des publications et de la formation médicale par l’industrie dont l’objectif n’est, par définition, pas désintéressé.
- Baisser le prix des médicaments en conséquence de ce recentrage des missions pour dégager le budget public de la Sécurité Sociale pouvant être alors investi dans l’information médicale et la formation continue, en associant les professionnels. Cette orientation financière est légitime puisque la source est l’argent socialisé dans le cadre de la Sécurité Sociale et qu’aujourd’hui cet argent socialisé sert des intérêts privés.
- Interdire réellement la publicité pour les produits toxiques, dont l’alcool et le tabac, et revenir sur toutes les exceptions à la loi Evin, obtenues par les lobbys au fur et à mesure des années.
- Réglementer la publicité aux heures de grande écoute des enfants et interdire en particulier la publicité pour les produits gras et sucrés.
- Comme déjà dit, rattacher la DGAL au Ministère de la Santé en réaffirmant sa mission de protéger la santé de la population.
Bien sûr, des mesures sont à prendre dans les autres domaines politiques qui ont une influence sur la santé, dont l’agriculture, l’industrie et la chimie, le logement et l’urbanisme, l’éducation et le sport, la culture, etc…, sans pouvoir pas les détailler ici.
Un nouvel investissement en prévention
La prévention primaire, hors dépistage, a toujours été laissée pour compte dans notre pays, malgré l’importance des budgets consacrés à la santé et la multiplicité des structures qui s’y impliquent. Un nouvel investissement est nécessaire pour permettre d’organiser cette prévention primaire. Ce nouvel investissement a été prévu dans l’accord signé entre le Parti Socialiste et Europe Ecologie – Les Verts pour les élections de 2012 et il a été chiffré à 1% du budget des soins, soit 1,7 milliards d’€.
Cet investissement devra permettre de développer les Pôles Régionaux d’Education pour la Santé et de Promotion de la Santé en créant des postes dans les IREPS ainsi que les pôles de Santé Environnementale en créant des postes dans les ORS réorientés vers l’environnement. Ces pôles autour des IREPS et des ORS permettront de coordonner l’ensemble des structures concernées et, par là, de rationaliser le paysage institutionnel, les investissements et d’animer des programmes d’actions cohérents sur le plan éthique et méthodologique. Il s’agit de créer un travail d’équipe cohérent. De plus, Education pour la santé et santé environnementale pourront se coordonner au niveau régional dans un Pôle Régional de Santé Publique, interlocuteur des institutions et partenaire des politiques publiques.
Nationalement, il permettra également de mettre en place l’Institut National de Santé Environnementale. Il permettra aussi de donner des moyens à la Fédération Nationale de l’Education pour la Santé (FNES) et à la Fédération Nationale des Observatoires Régionaux de Santé (FNORS) pour peser davantage dans les politiques publiques.
Il permettra, dans le cadre du Pôle Régional d’Education pour la Santé et de Promotion de la Santé réunis autour des Instances Régionales d’Education pour la Santé (IREPS) de doubler les moyens de la Santé Scolaire.
Enfin il permettra de créer un poste d’Education pour la Santé et de Santé Environnementale dans chacune des Maisons de Santé et de l’Autonomie pour amorcer réellement l’évolution du système de santé vers la prévention sur les lieux de soins.
Cette orientation nécessitera de développer les formations en éducation pour la santé et en santé environnementale d’une part pour développer le corps professionnel de ceux qui acquièrent une expertisent et assument des fonctions spécialisées dans ces domaines et, d’autre part, pour donner une formation de base a l’ensemble des professionnels des secteurs sanitaire, social et de l’éducation, afin qu’il puissent participer, à partir de leur fonction spécifique, à la réussite des programmes d’éducation pour la santé et de santé environnementale.
Il suffira d’une baisse de moins de 10 % de la consommation de médicaments, actuellement en situation de surconsommation, ou encore d’une baisse d’un peu plus de 10 % du diabète pour équilibrer cette nouvelle dépense, sans compter les autres dépenses de soins à rationaliser concernant par exemple les médicaments psychotropes ou les examens radiologiques et de laboratoires ! De plus, on peut donc attendre de cet investissement des économies importantes à relativement court terme. Nous n’avons pas traité ici des soins, mais des économies importantes sont possibles sans sacrifier le système de soins. Il est possible de rationaliser la consommation de soins médicaux sans rationner les soins. Et si nous investissons 1% du budget dans la prévention, il reste encore 99 % !
Aujourd’hui, le rapport entre les indicateurs de santé et le budget de la santé n’est pas bon dans le système français. La réorientation vers la prévention est nécessaire pour améliorer les indicateurs chiffrés comme pour améliorer la qualité de vie ou réduire les inégalités. Bien sûr la nouvelle politique de santé devra aussi revisiter ses différents secteurs et prendre des mesures qualitatives telles que la meilleure articulation du premier recours et du deuxième recours… De même, la politique de santé sera à articuler avec les autres politiques qui jouent un rôle important dans les conditions de vie, telles que celle du logement, de l’éducation, de l’environnement, de la consommation, etc…
Mais la future loi de santé publique aurait tord de s’asseoir sur les accords signés en 2012 et de ne pas mettre enfin en place une véritable politique de prévention car l’enjeu est aujourd’hui majeur. Améliorer par la prévention le rapport entre les investissements de santé et leurs résultats en terme de santé publique peut permettre en outre de sauver la Sécurité Sociale de son actuelle dérive au service des lobbys et de ses déficits qui s’accumulent et menacent son avenir. Il s’agit bien de retrouver l’esprit de solidarité et d’innovation qui ont prévalu en 1945 lors de la création de la Sécurité Sociale, mais entreprenant une profonde réorientation pour adapter le système de santé aux besoins et à la situation sanitaire d’aujourd’hui. Il s’agit bien d’une refondation du système de santé intégrant une nouvelle politique de prévention.
Jean-Luc VERET, Médecin de Santé Publique Commission Nationale Santé Europe Écologie – Les Verts Courriel : veret.jl@gmail.com