Le 19 avril dernier nous avons tenu l’Ap’Euro Ecolo avec la participation d’Abdoulaye Diarra, Delphine Labbouz et Serge Zaka.
Delphine Labbouz
est Docteure en Psychologie Sociale et Environnementale. Elle s’intéresse à la façon dont nos émotions et nos comportements sont influencés par la présence réelle ou non d’autres personnes.
Ceci dans le contexte spécifique de notre relation à l’environnement. Sa thèse, soutenue en 2015, porte sur les bâtiments tertiaires et le comportements des occupants dans la performance énergétique.
Abdoulaye Diarra
est candidat sur la liste Ecologie 2024 de Marie Toussaint. Dès ses études il est très engagés, vice-président de l’UNEF, Président de la LMDE, vice-président de la fondation Santé des Etudiants de France.
Il s’engage ensuite dans l’associatif en lien avec le territoire, le social et l’écologie : Notre Affaire à Tous, l’Association Nationale des Tiers-Lieux.
Serge Zaka
est ingénieur agronome et Docteur en Climatologie, il est le premier en France à revendiquer ce titre d’Agro-Climatologue en étudiant notamment l’impact des transformations du climat sur nos cultures. Il est le fondateur d’Agroclimat 2050 et consultant indépendant. En novembre 2023 Libé lui consacre un très beau portrait sous la plume d’Eleonore Disdero.
Nous avons abordé les 2 thèmes suivants :
Thème #1 : le Cadre Agro-Climatique
Serge Zaka a commenté les enjeux liés au changement climatique et au gel.
L’éveil des cultures après la période hivernale se déclenche par l’accumulation d’une certaine quantité de douceur. Celle-ci plus importante que par le passé provoque une éclosion des bourgeons plus précoce de 10 jours à 1 mois selon les endroits et les plantes.
Or, la résistance au gel d’un bourgeon fermé, éclos, d’une fleur ou d’un petit fruit est très différente.
Dès lors une plus grande maturité des cultures lors des gels du mois d’avril a une incidence très importante sur les récoltes.
Ce phénomène est durable et nous engage à adapter nos cultures.
Nous avons poursuivi notre échange avec Delphine Labbouz. Dans nos démocraties, alors que les scientifiques nous alertent depuis plusieurs décennies, nous peinons collectivement à prendre en compte ces enjeux de société.
Il est apparu que l’être humain a une propension à privilégier le court terme au détriment du long terme ; c’est une stratégie héritée de nos instincts de survie. Ce phénomène est bien expliqué par S. Bohler dans « Le Bug Humain ». Nous avons été invités à apprendre à différer le plaisir pour envisager un avenir durable.
Pour autant, cette question du plaisir à différer n’est pas étrangère à nos civilisations : Max Weber démontre dans « l’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme » (1905) que nous sommes capables de différer le plaisir dans la recherche d’un capital à long terme et d’un salut dans l’au-delà. Pourquoi cela ne fonctionne-t-il pas avec les enjeux Écologiques ?
Contrairement au capital ou au salut qui sont des question individuelles, les enjeux écologiques sont collectifs. Les mécanismes individuels de motivation ne suffisent pas à résoudre les problèmes écologiques, comme l’illustre le dilemme du prisonnier.
Enfin nous nous sommes tournés vers Abdoulaye Diarra pour comprendre comment le Politique se saisit de cette situation. Pour lui, il n’est pas pertinent d’opposer le présent au futur. Les écologistes observent que préparer l’avenir améliore le présent. Cette vision est ancrée dans la réalité du terrain avec des exemples issus d’expérimentations autour par exemple de paniers bios distribués à Strasbourg ou encore de la Sécurité Sociale de l’alimentation.
Thème #2 : Pourquoi changer ?
Serge Zaka a récemment abordé les implications du changement de la biogéographie du maïs entre 1961 et 2100. La carte qu’il a présentée met en évidence un déplacement significatif vers le nord et l’est, avec le maïs quittant progressivement les régions méditerranéennes pour s’étendre vers l’Ukraine et la Russie. Ces changements ont des implications géopolitiques évidentes. Pour les pays d’Europe du Sud, l’adaptation des cultures est cruciale. Par exemple, la culture des oliviers tendra à se déplacer de l’Espagne vers le sud de la France, tandis que celle des abricotiers et d’autres arbres fruitiers pourrait remonter vers la région de la Loire. Prévoir et mettre en place ces nouvelles filières prendra plusieurs décennies. Il est donc essentiel que les politiques accompagnent cette transition pour assurer le succès des nouvelles filières agricoles.
Nous nous sommes tournés vers Delphine Labbouz avec cette interrogation : L’État a déjà pris la mesure de tels changements à long terme et mis en place plusieurs mesures incitatives, comme la Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Énergétiques (TICPE). Cependant, en 2018, nous avons assisté au mouvement des Gilets Jaunes. L’État est-il impuissant à impulser un changement ?
Les motivateurs externes, tels que les récompenses financières, peuvent avoir des effets temporaires. Cependant, ils peuvent être contre-productifs et ne correspondent pas toujours aux motivations réelles des individus, qui ne sont pas toujours économiques.
De plus, Delphine Labbouz a souligné le besoin de liberté et d’autonomie des individus, ce phénomène est identifié par les Psychologies à travers le concept de réactance. Cette réactance produit des réactions opposées à la contrainte.
Abdoulaye Diarra a confirmé que les écologistes sont bien conscients de ces réalités et les intègrent dans leur vision. De nombreuses initiatives, telles que la Sécurité Sociale de l’Alimentation, mettent en avant une approche locale, impliquant des collectifs citoyens. Ces initiatives offrent des produits locaux et biologiques à des prix abordables. Leur succès démontre de manière tangible que, contrairement aux assertions des partisans du libéralisme, en fournissant les moyens financiers nécessaires ainsi que le temps et les informations adéquates, des choix alimentaires pertinents peuvent être faits.
Pour garantir le financement de ces initiatives et assurer une information transparente aux consommateurs, des sanctions et régulations sont nécessaires, ciblant particulièrement les acteurs qui tirent profit de la situation actuelle : industriels de l’agro-alimentaire, distributeurs