La maternité des Lilas doit vivre
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Laure Lechatellier et Julie Nouvion, élues (EELV) de la région Ile-de-France, adressent une lettre ouverte à l’Agence régionale de santé, en défense de la maternité des Lilas, menacée après le refus de son projet d’agrandissement par l’ARS.

Nous sommes des élues investies sur les questions de santé, militantes écologistes de longue date. Nous sommes soucieuses des conditions d’arrivée au monde de nos enfants, nés ou à venir. Nous avons accouché, accoucherons ou souhaitons rester libre de choisir d’accoucher dans des lieux comme la maternité des Lilas, ou celle des Bluets (1).

Est-il exact que la santé coûte cher? Pour une maternité, les patientes dites « à risque » sont plus rentables. Consultations, échographies fréquentes, césariennes… il faut des actes médicaux à facturer pour faire du profit. On ne « marge » pas sur une grossesse simple ou sur un accouchement naturel.

Début septembre, une mission sur l’avenir de la maternité des Lilas a été confiée par Claude Evin, directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France, à Patrick Hontebeyrie, délégué régional de la Fehap (2), lui demandant de « proposer les éléments constitutifs d’un projet stratégique pour la maternité des Lilas ».

A ce dernier, nous faisons part de notre souci, de nos souhaits, et de notre vigilance.

Il n’existe actuellement en Ile-de-France que deux maternités proposant une approche de la naissance dénuée de toute médicalisation superflue, grâce à des équipes de professionnels exemplaires offrant une sécurité médicale absolue : les Bluets et les Lilas. Maternités de niveau 1, elles accueillent des femmes aux grossesses sans risque, souhaitant généralement vivre un accouchement le plus naturel possible.

A une péridurale trop souvent surdosée, qui « shoote » la patiente, ces femmes préfèrent généralement l’accompagnement humain d’une sage-femme présente et disponible tout au long du travail, qui les encourage à prendre un bain, faire quelques pas, et les laisse libre de choisir postures et conditions de la naissance. Des patientes et non pas des malades, les femmes qui y accouchent sont accompagnées et écoutées plus qu’ailleurs. Ce sont des lieux où le projet de naissance des parents est respecté, des lieux où l’on se sent devenir mères, et où les pères ont leur place. On y accompagne réellement l’allaitement (3) et la durée d’hospitalisation (3, 4 ou 5 jours) est adaptée aux besoins de chaque maman.

Il existe de rares lieux où grossesse, accouchement et suite de couches sont considérés comme un tout, mère et enfant comme un ensemble. Aux Lilas, aux Bluets, nous avons été et serons accueillies avec du temps, écoutées, entendues comme des actrices à part entière de ce moment si particulier qu’est la naissance.

La maternité des Lilas est un lieu emblématique de notre région. Connue pour avoir accueillis les militants de la libéralisation de la contraception et de l’avortement, elle est aussi le lieu où s’est développé le mouvement pour une naissance sans violence. Sa situation géographique, au cœur de la Seine-Saint-Denis, n’est pas anodine : c’est une chance pour le département francilien souffrant le plus des inégalités sanitaires d’héberger un tel établissement. Inscrite dans son territoire, la maternité des Lilas doit pouvoir poursuivre ses activités et être autorisée à se reconstruire, comme le prévoyait le projet Lilas 2012.

(1) Établissement de santé privé d’intérêt collectif (Espic), l’hôpital des Bluets, à Paris, est sous la pression financière de l’ARS, qui lui demande de réduire ses frais et d’augmenter son nombre d’accouchements. 
(2) Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs. 
(3) Les Bluets ont le rare label Maternité amie des bébés, créé par l’Organisation mondiale de la santé.

Laure Lechatellier, vice-présidente à l’action sociale, à la santé, au handicap et aux formations sanitaire et sociale
Julie Nouvion, conseillère régionale

Source : Médiapart