À l’ère du numérique, la France doit plus que jamais protéger les libertés individuelles des citoyens.
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Ce mardi 10 décembre, le Sénat s’apprête à débattre en deuxième lecture et à voter le projet de loi sur la Programmation Militaire 2014-2019. Dans son article 13, ce projet propose ni plus ni moins que d’autoriser des ministères et divers services de l’État à accéder aux données des utilisateurs transitant sur le réseau Internet, et cela sans même qu’une décision de justice ne l’ait autorisé au préalable.

Les motifs invoqués pour un tel recul des libertés numériques sont plus que flous, il est question de « recherche de renseignements intéressant la sécurité nationale », de « sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France » et bien entendu, une fois encore, de lutter contre le terrorisme.

Cette justification d’une surveillance généralisée par l’invocation de grands principes – prétextes faciles derrière lesquels se cachent bien souvent les intérêts politiques ou financiers du moment – est inquiétante en ce qu’elle ouvre la voie à tous les arbitraires.Si l’article 13 de ce projet de loi venait à être adopté, à peu près tout et n’importe quoi, et aussi n’importe qui, pourrait donc faire l’objet d’une surveillance active, sans décision de justice et sur simple volonté du pouvoir exécutif.

Ces dernières années, les dérives en matière de surveillance et de non respect des libertés fondamentales ont été nombreuses. Écoutes de journalistes, qui remettent en cause le secret des sources pourtant nécessaire à une presse libre et indépendante du pouvoir ; affaire du « groupe de Tarnac » fin 2008 durant laquelle l’impératif de lutte contre le terrorisme a servi de prétexte à une opération de communication gouvernementale à la fois absurde et anxiogène ; depuis juin dernier, multiples révélations sur l’étendue des écoutes de la NSA et sur l’enthousiasme de la DGSE à y collaborer (ces révélations ont fait vaciller le pouvoir en Allemagne, mais le gouvernement français préfère visiblement les ignorer…).

Toutes ces affaires montrent à quel point un pouvoir peu ou pas du tout encadré par la justice, devient capable de toutes les transgressions, n’hésite plus à piétiner les droits des citoyens et à passer outre les gardes-fous nécessaires au bon fonctionnement d’une démocratie. Et les excès d’une société de surveillance généralisée sont d’autant plus dangereux qu’aujourd’hui les outils numériques agrègent les données personnelles de leurs utilisateurs avec une efficacité redoutable, souvent même sans que ces derniers ne s’en aperçoivent (réseaux sociaux, smartphones, technologies « cloud », logiciels espions des constructeurs, etc.).

Rappelons que la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 pose notamment que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme, et que tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi » (article 11), et que « la garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée« (article 12).

Les commissions Partage 2.0 et Justice s’alarment des conséquences néfastes de ce projet de loi et rappellent que le Conseil National du Numérique, créé en 2011, ainsi que la CNIL, en charge de la protection des données personnelles et des libertés individuelles, ont exprimé des réserves explicites, que les député-es ne peuvent pas et ne doivent pas ignorer. La CNIL a publiquement déploré que les parlementaires n’aient pas jugé utile de recueillir son avis concernant cette disposition pourtant intentatoire aux libertés individuelles.

Les commissions Partage 2.0 et Justice invitent les parlementaires à mesurer les conséquences délétères qu’une telle loi aura, tôt ou tard, sur les libertés individuelles. EELV appelle au rejet de l’article 13 ainsi qu’à l’instauration d’un moratoire : En effet pour qu’un véritable débat démocratique puisse se dérouler, une information du public aussi complète que possible doit être organisée.

 

Cet article, co-signé par les commissions Partage 2.0 et Justice, est publié sous la licence Creative Commons Attribution – Partage dans les mêmes conditions 2.0

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